MEDIATOR

Depuis 1976, quelques 5 millions de personnes ont pris du Médiator, dont 2,6 millions pendant environ trois ans. Jusqu’en 2009, année du retrait du benfluorex, 300.000 patients en ont reçu chaque année.

Ce principe actif a été utilisé, à l’origine, dans le traitement du diabète de type II. Cependant, les médecins l’ont surtout prescrit, hors autorisation de mise sur le marché, comme coupe faim. En effet, 78 % des personnes, prenant du Médiator, étaient non-diabétiques !

Le Médiator a été retiré du marché, tardivement en France, suite aux atteintes aux valves cardiaques qu’il provoquait chez les patients en ayant consommé pendant plus de trois mois.

Les voies de recours envisageables

Plusieurs voies de recours s’offrent aux victimes du Médiator.

Elles peuvent, tout d’abord, saisir le juge civil. Ainsi, une vingtaine de victimes ont déjà saisi les juridictions civiles.

Quelques décisions ont déjà été rendues.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 20 janvier 2011, a condamné le laboratoire Servier à payer 145.000 euros à la famille d’une victime, décédée des suites de la prise de Médiator, en réparation de leurs préjudices.

De la même manière, le Tribunal de Grande Instance de Marseille, dans un jugement du 7 juillet 2011, a accordé 38.000 euros à une victime ayant développé une valvulopathie et nécessitant la mise en place de prothèses valvulaires.

Cette voie judiciaire est, d’ailleurs, conseillée aux victimes qui risquent de ne pas se faire indemniser par le fonds, soit parce que leur déficit fonctionnel est « trop faible », soit parce qu’elles s’estiment victimes de la seule prise de Médiator en l’absence de tout dommage physique.

Les victimes peuvent également déposer une plainte au pénal afin de déterminer les responsabilités des différents acteurs (Etat, laboratoire, médecins…).

La majorité des plaintes a été formulée contre X pour « tromperie » et « blessures et homicide involontaires ».

Environ 1.440 plaintes ont été déposées au pôle de santé publique de Paris.

Avant de nous étendre plus longuement sur la procédure devant le fonds d’indemnisation, les victimes peuvent également déposer une requête devant le juge administratif pour mettre en cause l’Etat et ses agences (AFSSAPS, HAS…).

Il est également possible de signer une transaction avec le laboratoire. Cette dernière voie est déconseillée puisque souvent désavantageuse pour les victimes.

Le fonds d’indemnisation : mode d’emploi

Afin d’indemniser plus rapidement les victimes, le gouvernement a décidé de créer un fonds d’indemnisation évitant de passer par la voie judiciaire, qui est généralement plus longue et plus coûteuse.

La loi créant le fonds d’indemnisation a été adoptée le 29 juillet 2011. L’article 57 de cette loi confie à l’ONIAM la mission « de faciliter et, s’il y a lieu, de procéder au règlement amiable des litiges relatifs aux dommages causés par le benfluorex ».

Un décret d’application a été pris le 1er août 2011 prévoyant une application au 1er septembre 2011.

Ce fonds est ouvert à toutes les victimes du benfluorex quel que soit la date de prise du médicament, à condition de présenter un déficit fonctionnel imputable au Médiator (insuffisance respiratoire, valvulopathie…).

L’indemnisation sera payée par le laboratoire Servier.

Néanmoins, la constitution d’un dossier devant le fonds d’indemnisation n’empêche pas de saisir ou de poursuivre devant le juge pénal. De la même manière, le texte n’exclut pas que les médecins puissent être mis en cause, d’autant plus que beaucoup de prescriptions ont été faites hors AMM.

A la différence de l’indemnisation du VIH et du VHC, le fonds n’indemnisera pas le préjudice d’angoisse. La saisie des juridictions civiles est alors nécessaire pour obtenir réparation de ce préjudice.

Afin d’obtenir réparation des préjudices, la victime ou les ayants-droits (en cas de décès) doivent saisir l’ONIAM.

La procédure devant le fonds

1- La victime doit alors constituer son dossier. Elle devra remplir un formulaire de demande d’indemnisation et rassembler un certain nombre de pièces. Ainsi, elle fournira des pièces justifiant notamment de la prescription de benfluorex (ordonnances…), des dommages et pathologies imputés à la prise de ce médicament (certificat médical, enregistrement des boucles sur CD ROM ou cassettes en cas d’échographie cardiaque ou d’écho-doppler cardiaque…).

A compter de la constitution de ce dossier, le laboratoire ou le producteur du médicament est automatiquement appelé dans la cause. Cependant, il est toujours possible à la victime de mettre en cause d’autres acteurs et notamment le médecin prescripteur.

2- Suite à la constitution du dossier, une expertise interviendra dans le délai de six mois maximum à compter de la saisie de l’ONIAM. L’expertise pourra se faire sur demande ou en faisant pratiquer un examen clinique.

L’expert donnera son avis sur la cause, les circonstances, la nature et l’étendue des dommages, et également sur la responsabilité du laboratoire des éventuels autres mis en cause.

3- Après réception du rapport d’expertise, la ou les personnes jugées responsables formuleront une offre d’indemnisation dans un délai de trois mois. Le montant de l’indemnisation sera fonction de l’avis rendu.

4- La victime aura un choix. Soit, elle accepte l’offre émise et elle sera alors indemnisée. Soit, elle estime que l’offre est insuffisante, et elle se tourne vers l’ONIAM.

5- Dans les trois mois suivant le rejet de l’offre par la victime, l’ONIAM fixe un nouveau montant et indemnise la victime (si elle accepte). L’Office se retournera alors contre le ou les responsables pour récupérer les sommes avancées. Ce ou ces derniers devront payer une pénalité de 30 % (contre 15 % habituellement).

Ce mécanisme semble être favorable aux victimes en ce qu’il leur permet une indemnisation rapide et moins coûteuse. En effet, les frais d’expertise ne sont pas assumés par la victime et, le délai entre le dépôt de la demande et l’indemnisation semble être de 9 mois si la victime accepte l’offre du laboratoire et d’un an en cas de refus.

Cependant, l’ONIAM est déjà débordé par l’indemnisation des contaminations post-transfusionnelles. En effet, si le délai maximum était de six mois dans les textes, en pratique, les victimes ne perçoivent d’indemnisation que plus d’un an après le dépôt de la demande…

Dès lors, il semble probable que l’Office ne pourra pas tenir ces délais au détriment des victimes.

Virginie RABY